Elles s’affichent comme puissantes, indépendantes, libres. Elles ont des podcasts, des entreprises, des success stories. Elles incarnent ce qu’on appelle aujourd’hui le girl bossing. Mais derrière cette vitrine brillante, que reste-t-il du féminisme ?
Dans un article incisif publié sur Le Club Mediapart, Benjamine Weill interroge les contours et les contradictions de ce nouveau modèle de réussite féminine. Intitulé « Le girl bossing ou la nouvelle féminité hégémonique », son texte met en lumière une dynamique paradoxale : celle d’un pouvoir féminin construit dans les cadres – et les codes – du patriarcat.
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Féminisme capitalisé
Le girl bossing, tel qu’il est aujourd’hui promu, s’appuie sur une logique de performance individuelle. Être femme et puissante, c’est désormais possible, à condition d’accepter les règles du jeu : productivité, compétition, image lissée, storytelling permanent. Le problème, comme le montre Benjamine Weill, c’est que ce modèle ne remet rien en question – il lisse, il absorbe, il reproduit. Il devient même excluant : seules celles qui ont les bons codes sociaux, économiques et raciaux y ont accès.
Une façade inclusive, un fond toxique
Sous des dehors sorores et bienveillants, certaines figures du girl bossing perpétuent des pratiques managériales autoritaires, voire maltraitantes. L’autrice évoque notamment les critiques adressées à des entrepreneuses féministes qui, tout en valorisant l’empowerment, exploitent ou invisibilisent leurs collaboratrices. Le mot « féminisme » devient une marque. Le pouvoir change de mains, mais pas de logique.
Une réussite qui isole
Benjamine Weill convoque aussi une autre conséquence souvent passée sous silence : l’isolement, le burnout, la culpabilité. Car lorsque tout repose sur soi – son image, son effort, sa capacité à « briller » –, l’échec devient une faute personnelle. Dans ce modèle de féminité hégémonique, il n’y a pas de place pour la fragilité, pour le collectif, pour l’imperfection. Être forte devient une obligation. Le girl bossing, loin de libérer, enferme.
Et maintenant ?
L’analyse de Weill sonne comme un appel. Un appel à repolitiser la réussite. À sortir des modèles de pouvoir calqués sur ceux des dominants. À construire d’autres formes de légitimité pour les femmes : plus lentes, plus horizontales, plus solidaires. Plus féministes, en somme.
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Le girl bossing ou la nouvelle féminité hégémonique — Benjamine Weill sur Mediapart