
Dans l’enseignement supérieur privé français, un glissement s’accélère : d’un projet éducatif vers un modèle économique. Alternance « optimisée », financements privés peu transparents, regroupements d’écoles pilotés comme des entreprises : ce dossier propose trois lectures pour comprendre les mécanismes et discuter des garde-fous à remettre en place.
1) Alternance sous tension : quand l’Ecema transforme la formation en modèle d’affaires
👉 https://seira.io/alternance-sous-tension-quand-lecema-transforme-la-formation-en-modele-daffaires-2
Une enquête de Mediapart sur l’Ecema (groupe Collège de Paris) décrit notamment : certifications expirées, incitations Opco détournées de leur finalité pédagogique, cases « mobilité/équipement » déclenchant des financements sans bénéfices clairs pour les étudiants, tarification plus élevée pour les étudiants internationaux, et un climat social dégradé. L’article souligne que Qualiopi ne suffit pas lorsque la logique marchande domine la pédagogie.
Ce cas éclaire un phénomène plus large : quand les établissements s’adossent massivement à des partenariats privés, la question centrale devient la transparence.
2) Entreprises et grandes écoles : quand la transparence devient un champ de bataille
👉 https://seira.io/entreprises-et-grandes-ecoles-quand-la-transparence-devient-un-champ-de-bataille
Un article de Mediapart (Mathilde Goanec, 18/09/2025) expose la montée des liens écoles-entreprises et l’opacité qui les entoure. Points clés repris par Seira : la base de données EIES (≈8 000 données / 150 établissements), la concentration des partenaires (EDF, TotalEnergies, L’Oréal, Dassault, etc.), et le cas Polytechnique (fondation, conventions de mécénat discutées au nom du « secret des affaires », contentieux porté jusqu’au Conseil d’État). En filigrane : indépendance intellectuelle, crédibilité publique et rôle des fondations « boîtes noires ».
Au-delà des financements, une autre dynamique structurelle pèse : la concentration d’écoles au sein de groupes et un pilotage industriel des activités.
3) Le Cube et les regroupements d’écoles privées : vers une industrialisation de l’ES ?
Le livre-enquête Le Cube de Claire Marchal (mars 2025) décrit les pratiques de Galileo Global Education : outil centralisé de pilotage (« Le Cube ») suivant rentabilité, remplissage et turn-over, mutualisation des fonctions supports, perte d’autonomie locale, précarisation accrue des enseignants. L’article rappelle les suites (réactions publiques, inspections, débats Qualiopi) et interroge les effets d’une standardisation industrielle sur la qualité pédagogique.
Conclusion & pistes
Ces trois lectures dessinent un même faisceau : captation d’aides publiques orientée par des objectifs de rendement, opacité des partenariats privés, et industrialisation du pilotage au sein des groupes. Pour réarticuler mission éducative et viabilité :
- Transparence obligatoire des conventions et flux (publication, audits indépendants).
- Gouvernance académique dotée d’un pouvoir réel (autonomie locale, priorités pédagogiques opposables aux impératifs commerciaux).
- Conditionnalité des financements publics à des indicateurs de qualité pédagogique et de conditions de travail (et non aux seuls volumes d’alternants).
En bref : remettre le savoir comme bien commun au centre, et traiter la transparence, la gouvernance et l’éthique non comme des « coûts », mais comme des actifs de la qualité.